« L’Homme qui savait la langue des serpents », Andrus Kivirähk, éditions Attila / Le Tripode

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Le coup de cœur d’Emma : L’Homme qui savait la langue des serpents de Andrus Kivirähk, un roman fantastique étonnant, qui nous transporte et nous fait réfléchir !

L’histoire de L’Homme qui savait la langue des serpents se déroule dans une version imaginaire de l’Estonie médiévale, où la magie existe et les créatures et légendes du folklore local sont bien réelles. Mais cela ne suffit pas à résumer ce qu’on trouvera dans ce roman !

Au cœur de la forêt, dans cet univers où les serpents et les humains sont parents, les loups sont élevés en troupeaux et les ours séduisent les humaines, c’est l’homme en question qui s’adresse à nous : Leemet, le narrateur, sera sans le vouloir le dernier humain à maîtriser la langue des serpents, la clé de l’harmonie entre tous les êtres de la nature dans cette société médiévale empreinte de magie, une langue qui permet aux humains de communiquer avec les animaux et de se faire obéir d’eux.

Leemet nous fait le récit de sa jeunesse, il nous conte sa vie paisible dans la forêt au rythme des traditions sans âge de sa communauté, l’élan rôti de sa mère, les conversations avec ses amis humains et serpents, la compagnie de son oncle qui lui apprend cette langue si importante, et tous les secrets qu’elle renferme. Mais bientôt les « hommes de fer » se montrent, des chevaliers venus conquérir la région et asservir ses habitants, qui peu à peu sortent de leur forêt et adoptent un nouveau mode de vie, deviennent chrétiens, habitent dans des villages et s’adonnent à toutes sortes d’activités absurdes comme l’agriculture. Il y a une rupture entre les gens de la forêt et les autres, qui cèdent à la modernité et renient peu à peu tout ce sur quoi se base la vie des estoniens restés fidèles au mode de vie de la forêt et à ses traditions millénaires..

Ce que Andrus Kivirähk nous donne à voir dans ce roman, c’est l’effondrement d’une société et de l’harmonie que notre narrateur a connu, c’est un homme qui doit faire face à des changements importants et violents, et être le témoin de l’effacement progressif d’un ancien monde qui laisse place au futur et à ses horreurs. Leemet est tiraillé entre ce nouveau monde dont il fait partie et l’héritage de ses ancêtres qu’il ne laisserait disparaître pour rien au monde. Son parcours mouvementé face à ces enjeux est amené au lecteur de façon surprenante, parfois sombre, souvent drôle, et qui nous donne toujours matière à réfléchir.

Malgré son univers curieux et un environnement qui nous semble bien lointain, L’Homme qui savait la langue des serpents s’avère être une fable qui nous parle tout aussi bien de notre propre époque et des difficultés rencontrées dans le monde actuel, avec un humour et une justesse parfaitement mesurés, si bien qu’on se laisse emporter dans cette aventure fantastique les yeux fermés, tout en appréciant la part critique qui la traverse, les yeux bien ouverts !

L’Homme qui savait la langue des serpents, de Andrus Kivirähk, paru aux Editions Attila / Le Tripode le 10 janvier 2013, 440 pages, 23€, et en poche le 15 mai 2015, 13,90€ (première parution en Estonie en 2007).

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