La Trêve de Primo Levi

Primo Lévi est un écrivain italien connu pour avoir publié  Si c’est un homme en 1947, journal de sa déportation à Auschwitz entre 1945 et 1947. Il y montre les horreurs de la déshumanisation et du quotidien des camps de concentration. La Trêve publiée en 1963, complète à la fois Si c’est un homme en lui faisant suite tout en s’y opposant.  La Trêve peut être considérée comme la suite logique de Si c’est un homme, car dès les premières pages, le lecteur comprend que l’histoire reprend exactement à l’endroit où elle s’était arrêtée :

« L’intention première des Allemands, était, semble-t-il, de ne laisser personne en vie dans les camps de concentration mais une violente attaque aérienne de nuit et la rapidité de l’avancée russe les firent changer d’avis et prendre la fuite »

Primo Lévi narre ce qu’il advint d’un groupe de rescapés juste après la libération. Il raconte sa sortie des camps nazis, et son voyage pour rentrer en Italie. Comme un récit d’aventure, on y suit le personnage principal à travers une longue épopée en Russie. L’auteur nous montre le destin de prisonniers livrés à eux-mêmes, ainsi que la manière dont ces derniers s’accommodent de la société. Ils apprennent progressivement à revivre et reprennent goût à des choses simples. Le thème central est donc celui du renouveau et de l’adaptation après-guerre.

Au cours de son aventure, Primo Levi fait part de  rencontres qui deviennent des personnages à part entière. Ces derniers sont si loufoques qu’on se demande s’ils ne sont pas inventés. Les traits sont exagérés à l’image d’Agata qui ne peut pas dormir car il a peur des punaises, de Césare doté d’une malice lui permettant de toujours s’extirper des situations les plus pénibles ou encore d’une boutiquière confiant avec fierté avoir le culot d’écrire à Hitler en lui conseillant « fermement de ne pas faire la guerre car trop de gens mourraient ». Ces personnages pourraient faire croire à de la fiction  pour un lecteur ignorant le caractère autobiographique de l’œuvre. Ce mélange entre romanesque et réalité se fond subtilement par la finesse de l’écriture. 

L’auteur affiche un point de vue résolument objectif sur son sort. L’écriture s’assimile non sans hasard  à celle d’un scientifique car son premier métier était chimiste. Le style se veut simplement analytique, dans lequel le lecteur est  propulsé en tant que spectateur au sein d’une description lucide des évènements. Ce paradoxe s’explique par le fait que l’écriture soit dénuée de haine, le but étant de raconter et non pas de dénoncer. L’intérêt de l’ouvrage réside  principalement dans cette notion de détachement ce qui permet de le rendre abordable à un public plus large.

Le choix du titre n’est pas anodin car « la trêve »  désigne une cessation des combats. Ce mot est pourtant à prendre au sens métaphorique, signifiant plutôt quelques instants de liberté. La liberté retrouvée fait office de fil conducteur à l’image du message d’espoir véhiculé dans le livre. Le lecteur est admiratif par la force mentale dont l’auteur fait preuve. Il se bat pour vivre, et cette puissance de caractère forge le respect tout en suscitant l’interrogation et l’indignation.

En somme, si l’univers concentrationnaire de Si c’est un homme est aujourd’hui étudié dans un cadre scolaire, celui de la Trêve reste encore à faire découvrir.

Laura.

Primo Lévi, La Trêve, Grasset, Le livre de poche, 250 p, 5.60 £

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