Difficile de résumer un roman d’une telle densité. Floriane Soulas, l’une des nouvelles voix montantes de l’imaginaire francophone, se lance cette fois dans un ambitieux roman post-apo – mais à sa façon. On y suit Férale, jeune femme hantée par une faim insoutenable et jamais contentée, pourvue de sens hors du commun, arpentant un monde désolé aux côtés de la charismatique Lottie, une figure maternelle pleine de secrets. Seulement, Férale, avec ses yeux jaunes semblables à ceux des infectés, est rejetée du peu d’humanité qui subsiste dans cet univers ravagé par les pluies acides et la Cendre, une maladie mortelle. Quand elle apprend l’existence d’une cité où se trouveraient des gens comme elle, Tonnerre, Férale implore Lottie de s’y rendre. Mais Lottie connait bien Tonnerre, et refuse d’y retourner…
Sans surprise, c’est bien à Tonnerre qu’on va atterrir, et quel bonheur – sanglant, certes ! Si le début du roman prend son temps, posant peu à peu son ambiance, la relation entre les deux héroïnes – très attachantes – et son univers, l’attente en vaut le coup. Tonnerre est particulièrement bien pensée, originale, et étrangement fascinante compte tenu de son ambiance… singulière. On y rencontre toute une foulée de personnages crédibles et charismatiques – le solaire meneur des Cendreux, Ruben, est assez inoubliable – , torturés, aux idées souvent opposées. À travers eux, l’autrice questionne l’éthique scientifique, la limite entre humanité et monstruosité et les notions de famille, d’identité et d’acceptation de soi.
Petit à petit, l’étau se resserre, le rythme s’accélère, et l’autrice nous entraine de plus en plus loin dans l’horreur – horreur post-apocalyptique, horreur psychologique, et surtout, un body horreur bien poisseux, bien graphique, dans cet univers malade, nécrosé, défiguré. L’autrice n’a peur de rien : autophagie, cannibalisme assumé, accouchements sanglants, enfants torturés, et partout, la mort, inexorable, toujours sale.
On dévore les pages l’estomac noué, prisonniers d’une attraction mystérieuse, captivés par cette ambiance réjouissante par son absence de demi-mesure. Jusqu’au final haletant, hautement satisfaisant et quasi cinématographique, où l’émotion atteint son apogée dans une scène finale pleine de sens.
Tonnerre après les Ruines, Floriane Soulas / 25,90€ / Sortie le 07/10/2023 aux Éditions Argyl / ISBN 978-2-492403-99-6
Le blog des apprenti.e.s libraires de l'Université de Mulhouse 